Voilà enfin la partie que vous attendiez... Je vais continuer le récit pour moi, si vous voulez encore la suite du feuilleton dites le moi, au programme il y aura une perfusion sanguine, une infirmière qui me dit que mes seins ne sont pas adaptés à l'allaitement, des vêtements ridiculement trop grands...
26 mars 2012
La routine… Je me réveille pour le monitoring. J’essaye d’y aller tôt pour avoir la meilleure salle… C’est presque bizarre cette ambiance de compétition, on arrive toutes de plus en plus tôt…
Chanceuse, je récupère la grande salle d’accouchement. On me pose le monitoring. Le docteur Foltynova vient nous voir. Elle me dit qu’on devrait commencer le pré-déclenchement, avec un test de « prostine » aujourd’hui. On en a discuté vendredi. Elle nous réexplique comment ça va se passer, et que c’est sensé aider à ramollir le col. Elle vérifie d’ailleurs que mon col n’a pas bougé… Mais non, c’est toujours totalement fermé… Elle nous demande aussi d’attendre la grande visite dans cette salle, c’est le chef qui donnera le dernier mot pour commencer ce pré-déclenchement.
On attend donc la grande visite… Ils viennent vers 10h. Le chef nous explique encore une fois en quoi consiste le pré-déclenchement, et pourquoi il vaut mieux le commencer, il vérifie qu’on a bien tout compris et nous demande notre accord.
Avant de partir il pose sa main sur mon pied, je pense qu’il veut m’examiner et je lui demande qu’il y ait moins de monde dans la salle pour l’examen, toute la clique des gynéco-obs de l’hôpital non merci ! Ca le fait sourire, et il me dit qu’il ne va pas m’examiner.
On nous demande d’attendre dans cette salle… Mais on aimerait aller se doucher. La sage-femme nous dit aussi d’aller chercher notre sac d’accouchement au cas où et surtout apparemment pour avoir une serviette de bain, que je puisse me doucher, et que je ne dois pas manger, ou juste une petit truc sucré pour tenir, comme une barre de chocolat. On nous demande de faire au plus vite.
On remonte rapidement, l’infirmière nous voit arriver et nous dit qu’elle a fermé notre chambre. Elle l’ouvre immédiatement, on se douche, on récupère le sac d’accouchement et on redescend.
Une sage-femme et le docteur Foltynova nous attendent, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de monde et que c’est un remue-ménage dingue… La docteur dit à Oussama qu’il ne peut pas entrer tout de suite avec moi parce qu’on va m’installer dans une chambre où il y a aussi une autre femme, mais qu’elle n’y sera plus d’ici une trentaine de minutes.
On me fait entrer dans la salle et m’installer sur le deuxième lit. La docteur est déjà prête et m’explique qu’on ne va utiliser qu’un demi cachet pour le moment, mais que ça peut ramollir le col, l’aider à s’ouvrir, provoquer es contractions, et même démarrer la naissance…
Elle passe un temps que je trouve interminable et douloureux pour le mettre, et finalement m’annonce qu’elle a réussi à le mettre dans le col.
On me pose le monitoring… Les réactions ne se font pas attendre, j’ai l’impression d’avoir un glaçon dans le col, c’est extrêmement désagréable… Et je commence presque immédiatement à ressentir des contractions. Pas très fortes d’abord, puis assez douloureuses… Des douleurs de règles puissance 1000… Elles apparaissent enfin sur le monitoring. A chaque contraction, je visualise Misterbébé dans mon ventre… je prends une grande inspiration, je lui donne beaucoup d’oxygène pour qu’il soit fort pour le grand voyage, et j’expire à fond, je vois mon ventre qui se contracte, Misterbébé qui descend vers le bas… Je recommence à chaque contraction. La douleur est positive, je sens enfin que des choses bougent dans mon corps… L’autre femme change de salle et Oussama vient me rejoindre. Je lui raconte tout, et je lui explique l’image que je visualise pendant les contractions…
Le monitoring dure environ une heure… Puis on vient me l’enlever. On constate que le tracé des contractions est beau et régulier… Mai on nous dit que ce ne sont pas encore des contractions très fortes. Bon, je m’en doutais un peu ! Mais c’est positif quand même !
Je demande à manger un peu, je suis affamée… La sage-femme n’et pas trop pour. Je comprends que c’est « au cas où » il se passe quelque chose, et que ce test peut finir en césarienne à tout moment… On va quand même me chercher mon plateau repas je peux manger la soupe, mais le riz aux champignons, c’est pour Oussama… Ca marche, du bouillon de légumes, c’est toujours mieux que rien : j’ai deux gaufrettes dans l’estomac depuis ce matin, et j’avalerais presque n’importe quoi…
On reste dans la salle en attendant le prochain monitoring. On ne peut pas me renvoyer dans ma chambre, toujours « au cas où ». On me propose un ballon. Je le trouve super confortable comparé au lit ! Je me balance sur mon ballon, je sautille, je fais des cercles avec mon bassin, pour aider Misterbébé à descendre, comme je l’ai lu dans mes livres et sur le net… Je fais passer le temps en faisant des mots fléchés… Oussama est dans son téléphone…
Deuxième monitoring, les contractions sont sensiblement plus fortes que sur celui d’avant… Allongée sur le dos, je les sens plus douloureuses, et je me raccroche à mon image… Grande inspiration, et mon ventre peut pousser mon bébé vers la sortie… Je ferme les yeux…
Après ce monitoring, on refait un doppler, on vérifie mon col, il est à peine ouvert… La docteur Foltynova dit qu’on va quand même essayer de faire une amnioscopie. Je n’aime pas cet examen. Je n’ai quasiment rien senti, mais il s’est fait dans le bloc de césarienne, c’était étrange, j’espérais ne jamais entrer dans cette salle… C’est la sage-femme adorable du mercredi qui l’assiste. Pendant le monitoring, j’ai bien pensé à regarder son nom sur son badge, mais je n’ai pas vraiment réussi à le lire, je crois qu’elle s’appelle Marika… Quand je sors, je vois que Life’s Good est là aussi. Si la naissance arrive, je sais que je serais bien entourée en attendant Jana.
On me ramène dans la chambre de surveillance, je dois attendre un troisième monitoring. La douleur est de plus en plus intense, mais toujours supportable. Marika me conseille d’aller prendre une douche bien chaude pendant une demi-heure… Ca fait un bien fou ! J’essaye aussi d’aller aux toilettes mais ça ne marche pas… Dans la chambre, sur mon ballon, Oussama met de la musique et on chante. La musique me fait totalement oublier la douleur, c’est presque miraculeux ! Whitney Houston, Charles Aznavour ou encore Patrick Bruel, tout y passe et j’esquisse même quelques pas de danse sur La Bohême… Bon, de danse c’est un peu trop dire, mais la musique me donne la pêche !
Troisième monitoring, on me demande de m’allonger sur le côté. L’horreur. Dans cette position la douleur devient vraiment intense, on pense même que le capteur de contraction n’est pas bien mis, mais quand on demande à la docteur, elle vérifie et me demande où je sens les contractions… Seulement dans le bas du ventre. C’est bien, mais ce ne sont pas des contractions de naissance, je dois prendre mon mal en patience. La machine ne montre quasiment aucune contraction, alors que je dois m’accrocher à mon image à chaque fois que j’en sens une. Je dois fermer les yeux et me concentrer pour expirer, lentement, par la bouche… Je me rappelle des étirements à la danse, qui sont tellement plus faciles quand on souffle en étirant, ne surtout pas bloquer la respiration, se laisser porter…
Finalement l’instant de torture s’arrête, le monitoring est correct, il y a des hauts et des bas dans la courbe du rythme cardiaque de Misterbébé, mais ça n’a pas l’air d’alarmer qui que ce soit…
On nous renvoie dans la chambre, on nous dit de manger (enfin !), nous reposer, et revenir faire un dernier monitoring à 23h… Alors on me dira si je dois dormir en salle de surveillance ou dans ma chambre.
On remonte, l’infirmière nous ouvre la chambre… Je ne sais plus ce qu’il y avait pour le dîner mais je dévore ! Puis on se couche, pas longtemps ; il est déjà 22h… Je m’endors… le réveil sonne à 22h45, l’heure de vérité, le dernier monitoring… Je me prends à espérer qu’il soit calme, qu’on me laisse dormir dans ma chambre. J’ai dit à Life’s Good que je ne pourrais jamais dormir en bas, c’est trop inconfortable, et je serais avec l’autre femme, loin d’Oussama… Mais je comprends qu’il y ait un protocole de surveillance…
On descend. On nous installe dans la grande salle d’accouchement ; l’autre femme dort déjà dans la chambre de surveillance…
On me pose le monitoring. J’ai toujours mal mais ça s’est calmé, je sens qu’on va me renvoyer dans ma chambre, et c’est tant mieux !
Encore une fois, le rythme cardiaque de Misterbébé est irrégulier… On arrête le monitoring au bout d’une trentaine de minutes. Le docteur Foltynova est là. Oussama sort chercher je ne sais plus quoi, et elle me demande, ce que je pense de déclencher l’accouchement demain. Je m’attendais à ce qu’on finisse par en arriver là… Mais au fond de moi j’espérais ne pas aller jusqu’au déclenchement.
Je lui réponds que je n’ai pas la connaissance médicale nécessaire pour prendre cette décision, mais que je lui fais confiance, je vois bien que les monitorings sont de moins en moins bons… Oussama revient. On discute tous les trois. Elle nous dit que le bébé commencé à vraiment montrer des signes de stress. On a encore un peu de temps, mais ça peut être mieux de faire l’injection d’ocytocine demain… Je crois qu’on n’a pas raiment décidé quoi que ce soit à ce moment là, mais je sais que demain, ce sera le déclenchement… On me laisse remonter dan ma chambre, on doit juste attendre un papier. C’est amusant, je vois le docteur Foltynova taper sur une machine à écrire que jusque là je n’avais pas remarquée, alors qu’il y a deux ordinateurs dans la pièce… Je crois qu’elle fait son « handover », et je vois avec horreur arriver le docteur Houbal. Il m’avait examinée lors du contrôle de routine la semaine d’avant, et c’est bien simple, plus jamais je n’accepterai un contrôle avec cette personne. Il m’avait fait mal au point que j’avais appelé Jana… Pour lui, une semaine avant, le col était ouvert à 1cm… Alors que les 3 autres qui m’ont examinée depuis que je suis à la maternité l’ont trouvé complètement fermé. Je crois qu’en le voyant, Oussama a demandé à la docteur Foltynova si elle était de garde toute la nuit. Ouf, elle répond par l’affirmative, en cas de problème, elle s’occupera de moi.
On remonte finalement, et je file sous la douche, pour atténuer au maximum la douleur avant de dormir. L’eau ne chauffe presque pas. Je ne reste que quelques minutes, l’eau tiède fait plutôt plus mal alors que je cherchais un soulagement… On va se coucher. Oussama m’aide à trouver la meilleure position, je sens tout mon corps qui tire… Au bout de trente minutes je n’en peux plus, je lui dis que j’ai trop mal, il me propose d’aller voir l’infirmière. C’est la blonde qui est là. Je ne sais pas comment elle s’appelle, elle est gentille… On lui dit que ça ne va pas, les contractions sont plus fortes, je ne peux pas dormir. Elle appelle la salle d’accouchement, et nous dit de descendre refaire un monitoring.
Life’s Good nous attend et nous réinstalle dans la grande salle d’accouchement. Je lui dis que je ne sens toujours les contractions qu’en bas du ventre, et pas partout, mais que c’est vraiment fort Le monitoring ne montre rien d’intéressant… Le docteur Foltynova nous dit qu’il ne montre toujours pas de contractions de naissance… Il faut attendre, on devrait monter se reposer. Je lui explique que je ne peux pas dormir, et je suis épuisée, levée depuis 6h du matin… Elle me propose de me donner un achet pour me relaxer, et une injection, pour « relaxer » le col, ça peut atténuer la douleur sans perturber le cours des choses. J’accepte. On m’administre tout ça, et elle nous dit qu’on peut remonter dans la chambre. Elle me conseille de prendre une bonne douche chaude pour atténuer la douleur. Je lui raconte pour la douche qui ne chauffe pas, alors elle me dit que je peux sans problème rester un peu dans la salle d’accouchement, prendre une douche ou même un bain, utiliser le ballon ou tout ce que je veux qui me soulage.
Pendant que Life’s Good et Oussama remplissent la grande baignoire, elle vérifie encore mon col. Je vois son visage presque s’illuminer, c’est ouvert à presque 1,5 cm ; ça a bougé depuis tout à l’heure ! Elle me montre avec ses doigts combien c’est ouvert. C’est très peu mais ça bouge. Je remarque ses mains parfaitement French manucurées, et ça me fait bizarre de penser à ça dans un moment pareil. Je n’oublierai jamais sa voix quand elle m’a sorti : « I think, maybe, you have started the birth »… A cet instant T, c’était le plus grand moment de ma vie…
Elles nous laissent dans la salle, elles sont juste à côté si on a besoin de quoi que ce soit.
Je m’assois sur le ballon en attendant que la baignoire se remplisse. Cette annonce d’accouchement imminent a été comme un déclic, je sens les contractions encore plus fortes, je m’accroche à mon image, qu’Oussama me demande de lui rappeler plusieurs fois, comme si c’était sa façon à lui de m’aider à ne pas la perdre... Oussama sort, je crois pour chercher le sac d’accouchement qu’on avait laissé dans la chambre de surveillance… J’essaye d’aller aux toilettes. Ca ne marche toujours pas. Tant pis, je me dis que ça finira bien par marcher. Je me rappelle que Jana m’a dit que c’est très important pour la naissance… Les contractions se font plus fortes. Je lâche mon image en me rappelant des conseils lus à plusieurs endroits de faire des sons graves pendant les contractions. Je commence doucement à faire de longs « ooooooooooh » sur les expirations, je sens la vibration du son dans tout mon corps et je visualise mon col qui s’ouvre avec les vibrations. Comme je n’ai jamais vu un col, je l’imagine comme un grand disque qui s’ouvre en son milieu, et avec les vibrations, ça me rappelle le dessin animé Fantasia, quand ils montrent des vibrations de sons… Je m’en voudrais presque de penser à ça : quel manque de sérieux dans un moment si important ! Oussama revient, et je lui explique la nouvelle image.
La baignoire est enfin remplie. Il me demande de venir vérifier la température, puis il m’aide à monter dedans…
J’y reste… Un temps indéfini… Je perds la notion du temps… Je suis bien dans l’eau chaude… Oussama me met la musique qu’il a trouvée sur Youtube le mercredi : Music in Labor and Birth… Mes « Oh » tombent en rythme, la musique m’aide à me canaliser… La première contraction vraiment forte arrive, je n’arrive pas à rester concentrée sur mon son grave qui dégénère en un premier cri… Sur le moment, je me suis dit zut, j’ai crié… Moi qui espérait faire partie des chanceuses qui accouchent sans bruit, pour ne pas que ce soit la première chose qu’il entende en venant au monde… Mais je me rappelle du livre de Jana, et de ce message si fort que j’en ai retenu : « Surrender our birthing power », et tout à coup je m’en fiche de tout. Je suis déjà dans un état second, je me fiche du monde entier ou de ce que qui que ce soit pourrait penser, je laisse un autre moi surpuissant m’envahir et je me laisse aller sur chaque vague de douleur… Dans les salles voisines, j’entends une femme accoucher… Ca a dû lui prendre à peine 10 minutes, serait-elle arrivée à ce point à la dernière minute ? Juste après j’en attends une autre… Ma parole c’est une épidémie ! Pourquoi ça va si vite chez les autres ?
Je demande à Oussama d’appeler Jana. Je n’ai aucune idée de l’avancée des choses, ni du temps que j’ai passé dans cette salle, mais je la veux ici, j’ai besoin qu’elle soit là… Oussama va voir Life’s Good pour lui demander si on peut déjà appeler Jana… Je me rappelle avoir ressenti un grand soulagement en l’entendant répondre « Jsme tady pro vas, klidne muzete zavolat »… « Nous sommes là pour vous, vous pouvez appeler sans problème ». J’ai su après, quand Oussama m’a montré son journal d’appels, qu’il était déjà 3h50 quand il l’avait appelée…
A un moment donné, je ne sais plus comment ni pourquoi, je sors du bain. J’ai sûrement dû essayer encore une fois d’aller aux toilettes sans succès… La docteur Foltynova m’examine et trouve 4 cm de dilatation. Elle a l’air surexcitée… Moi je ne me rappelle plus de ce que j’ai répondu… Je sais que c’est une bonne nouvelle, que les choses avancent, mais je n’ai pas la notion du temps, aucune idée de combien de temps j’ai passé dans cette baignoire, et je suis toujours dans mon propre monde. Je me rappelle qu’Oussama lui a demandé si il n’était pas temps de me faire la perfusion de pénicilline pour le streptocoque. Il lui a aussi demandé de ne pas me mettre l’aiguille dans le coude mais ailleurs parce que dans le coude, ça me gène énormément. Elle décide de me la mettre dans le poignet. Elle dit qu’elle peut même le faire sans la lumière, mais dans un éclat de lucidité, j’ai peur qu’elle me loupe, et Oussama allume la lumière, juste le temps de poser l’aiguille. Je me rappelle avoir entendu au loi la docteur dire que tout est autorisé pendant une naissance, on peut crier, pleurer jurer… Je ne sais pas à quoi elle répondait, mais je suis soulagée de penser qu’ici, on ne me jugera pas…
Je peux retourner tranquille dans ma baignoire… Nous sommes de nouveau seuls, dans la pénombre. Je sens les contractions qui se rapprochent et qui se font de plus en plus intenses… Toujours dans mon état second je commence à dire à Oussama que je ne vais peut « pas y arriver » sans la péridurale. Je ne sais pas pourquoi à ce moment j’étais tellement persuadée que la péridurale pouvait m’aider à « y arriver »… Il ne me dit ni oui ni non, mais il m’offre une main à broyer autant que je veux…
Je ne réalise pas quand Jana arrive. Je crois que c’est lui qui me l’a fait remarquer. Je crois que je lui ai serré la main, mollement… Quel geste terre à terre ! Elle a l’air contente, dans sa blouse verte, que cette naissance arrive enfin, avec 17 jours de retard… Elle s’installe à côté de nous… Je ne sais pas si elle m’a examinée tout de suite ; ses collègues ont dû lui donner le statut… Mais elle finit par le faire, et au passage elle m’incite à « tout » ouvrir pour laisser descendre bébé, et que je ne garde pas mes jambes allongées et serrées comme elle m’a trouvée… Je pense qu’assez rapidement, elle m’a aussi « branchée » à la perfusion de pénicilline…
Au bout d’un moment, je veux retourner aux toilettes, ça ne marche toujours pas… Je le dis à Jana. Je crois qu’elle m’a répondu que ce n’est pas grave, puisque j’y ai été plus tôt dans la journée, c’est sûrement la tête du bébé qui descend que je sens, pas une vraie envie. Je redis à Oussama qu’il me faut la péridurale, sans plus de réaction que la fois précédente. Jana profite que je sois debout pour me poser le monitoring. Oussama en profite pour changer l’eau du bain. Sur le dos tout va bien, je ne réalise pas comment le cœur de Misterbébé bat, je sens que tout va bien, cette machine ne m’intéresse plus. Puis elle me demande de me tourner sur le côté. La douleur devient insupportable dans cette position. A la première contraction qui arrive je lui hurle que je ne peux pas rester comme ça, mais autoritaire, elle me répond qu’il le faut, que je dois essayer… Tout à coup je l’ai senti, ce fameux réflexe de poussée… Elle me dit non, ce n’est pas encore le moment, je sais que c’est juste parce que j’ai perdu pied… Elle m’incite à respirer correctement, expirer en soufflant longtemps… Je crois que je passe le trois plus horribles contractions de la nuit dans cette position, et elle arrête le monitoring. Je réessaye les toilettes, mais ça ne marche toujours pas… J’ai une peur bizarre que tout va sortir avec le bébé, et je n’ai vraiment pas envie que ça arrive… Elle essaye encore de me rassurer, pour elle c’est sûrement juste la tête du bébé que je sens… Mais je me demande si il ne vaut pas mieux faire un lavement. Elle me dit qu’elle ne sait pas si j’y arriverai parce que je devrai rester allongée comme pour le monitoring… Je lui réponds que ce n’est pas grave, on essaye. Le temps qu’elle commence à préparer, je change d’avis, je lui dis qu’elle a raison, je n’y arriverai pas, je préfère retourner dans le bain.
L’eau n’est pas assez chaude, je demande à Oussama d’augmenter la température… J’entre dans le bain alors que la baignoire n’est pas encore remplie… Oussama me masse le bas du ventre avec le jet d’eau chaude, ça me soulage… Jana me met une huile d’aromathérapie qui sent bon la rose sur la poitrine, et elle en met dans l’eau du bain. Depuis mon monde parallèle, j’en adore l’odeur…
Après quelques temps, elle me réexamine. J’en suis à 6cm, elle me dit que ça avance vite… Je n’ai aucune notion du temps. Elle écoute aussi le cœur de mon bébé avec un petit appareil qui fait un bruit bizarre quand il touche l’eau. Tout va bien.
On attend. Je tombe dans un demi-sommeil comateux entre chaque contraction… A un moment je culpabilise même de dormir comme ça dans ce moment, mais avec le recul, je sais que ce « sommeil » m’a permis de ne pas appréhender la prochaine contraction et de les accueillir comme elles venaient sans y penser entre deux, et qu’il m’a amené un peu de repos pour aller jusqu’au bout…
A ma droite, je vois Oussama somnoler aussi sur son bras, son autre bras toujours tendu vers moi, tenant le pommeau de douche pour me masser avec l’eau chaud… A ma gauche, Jana attend, elle ne fait rien qui puisse nous déranger qui ne soit pas nécessaire…
Lors d’une contraction vraiment forte, je redis à Oussama que « je ne vais pas y arriver sans la péridurale ». Je vois le visage de Jana s’animer, c’est elle qui me répond… Non, la péridurale ralentit le travail… Exactement l’argument qu’il me fallait, la réponse que j’attendais… Je me sens presque soulagée par ce non. Je n’en voulais tellement pas de cette péridurale… Je l’avais dit à Oussama depuis longtemps qu’il devrait être fort si je commençais à la demander… Je suis heureuse d’être entourée des bonnes personnes. J’ai su après qu’Oussama en avait parlé à Jana lors d’un de mes passages aux toilettes, il lui avait dit qu’en vrai je n’en voulais pas…
Les contractions sont de plus en plus fortes et rapprochées. Finalement je le sens, le vrai réflexe de poussée… Il accompagnera désormais, chaque contraction, de plus en lus fort. Au bout d’un moment, Jana me réexamine, elle me dit qu’on est presque à 8 cm, que ça va vite, qu’on y est presque… Régulièrement elle écoute le cœur du bébé avec son petit appareil…
A un moment j’ouvre les yeux et je trouve la docteur Foltynova à côté de moi. Jana l’a déjà appelée, c’est presque fini… Elle me dit qu’elle est juste à côté et qu’elle reviendra pour la fin.
Peu de temps après, Jana nous dit qu’il vaut mieux sortir du bain… J’y resterai bien un peu encore, mais elle nous dit que plus on attend, plus ça sera difficile de sortir.
Oussama m’aide. Je vois qu’il fait déjà jour… J’aurais bien voulu accoucher la nuit… Jana a préparé le lit et le matelas d’accouchement par terre. Elle me propose de m’agenouiller, je peux choisir entre les deux. Quand j’ai imaginé ma naissance idéale, j’étais à genoux sur le matelas… Mais là, je choisis le lit, pour pouvoir m’accrocher à sa tête…
On me propose à boire, j’ai presque vidé ma bouteille d’eau pendant tout ce travail, Oussama me remet aussi du stick à lèvres, je suis tellement asséchée !
Jana me remet une autre huile d’aromathérapie sur le bas du dos… Elle sent bon celle-là aussi… Dans un éclair de lucidité, je demande à Oussama de lui donner mon huile de massage pour le périnée, je veux limiter les dégâts, et si possible éviter une déchirure…
Les contractions s’enchainent, la douleur est intense, je n’en ai jamais senti de pareille… C’est tellement puissant que je ne sais pas si j’aurais su dire où ça faisait mal…
Au bout d’un moment d’efforts acharnés, j’ai l’impression que rien n’avance, mais je suis incapable de le dire, je ne réfléchis plus, je ne pense à rien… Jana et Oussama m’encouragent à souffler pendant les contractions… Pas facile d’écouter et d’obéir à quelque chose de concret à ce moment… Finalement, Jana me dit que je peux toucher sa tête. Je pensais que je n’aimerais pas le faire. D’ailleurs j’hésite un peu, je ne sais même pas si je vais réussir à lâcher la tête de lit… Mais je me lance. Ce n’est pas vraiment une tête que je touche, c’est un truc, tout chaud et tout mouillé… Mais ça me redonne de la force ; il se rapproche ! Après encore quelques contractions, elle me propose de nouveau de toucher sa tête, elle est presque là ! Je l’entends dire à Oussama qu’elle aimerait bien avoir une naissance pareille, je ne sais pas pourquoi ni pourquoi elle dit ça, je suis toujours dans mon monde… Sur le moment je lui aurais volontiers donné ma place !
Finalement, elle me propose de changer de position. J’accepte, j’ai l’impression que ça n’avance plus à genoux, que je ne suis pas efficace.
Je passe en position assise, et je réalise qu’il fait grand jour, et que dans la pièce, en plus de Jana et Oussama, il y’a la docteur Foltynova, et une inconnue, qui doit sûrement être la pédiatre… J’avais demandé dans mon plan de naissance à ce qu’elles n’arrivent vraiment qu’à la dernière minute, je sais que leur présence veut dire que c’est bientôt fini…
Mais de les voir là, et toute cette lumière… Je n’arrive plus à me concentrer, je voudrais retourner dans la pénombre avec juste les personnes que j’ai choisies pour m’accompagner. Tout le monde m’encourage, j’entends de toutes les langues dans la pièce… A un certain moment, la docteur Foltynova m’explique que le bébé est presque là, que Jana touche sa tête en permanence avec son doigt… Je me rappelle avoir demandé pourquoi ce doigt ? Ca les a fait rigoler, ça devrait être le dernier de mes soucis ! D’ailleurs elles ne m’ont pas répondu, il fallait que je me concentre, mais j’ai compris quand Oussama m’a dit qu’elle avait aidé la tête à tourner pour sortir… les encouragements continuent, on me dit qu’il est presque là, qu’on voit sa tête, ses cheveux, tout le monde m’encourage à souffler… Mais je suis déconcentrée, je n’arrive même plus à fermer les yeux pendant les contractions…
Jana devient autoritaire, elle m’ordonne presque de fermer mes yeux mais je n’y arrive pas… J’ai l’impression d’un espoir déçu à chaque contraction où la tête ne sort pas. Cette lumière… Tous ces gens… Je ne respire pas correctement, je ne reprends pas assez mon souffle entre chaque poussée. Tout le monde dans la pièce m’incite à respirer…
Finalement je prends sur moi, je me force à fermer mes yeux et à mettre toutes mes forces dans cette contraction. La tête arrive enfin. J’entends Jana dire que « next contraction » c’est fini. Non. Je ne veux pas attendre la prochaine. Je reprends une grande respiration, je rassemble tout ce qu’il me reste de rage et de force pour pousser Misterbébé dehors…
27 mars 2012, 8h32, la huitième merveille du monde entre mes bras… Je l’ai finalement senti glisser hors de moi, aucun souvenir de douleur sur cette dernière contraction, uniquement ce sentiment surpuissant et indescriptible… On me le pose tout de suite sur le ventre, je sens son corps chaud et mouillé, tout mou, tout étonné de se retrouver là… On le recouvre de langes et de couvertures. Sa respiration n’est pas parfaite, Jana le stimule une ou deux fois dans le dos… Son odeur m’envahit… J’ai toujours cru que c’était n’importe quoi ces parents qui parlent de la bonne odeur de leur bébé… Et pourtant, je viens d’apprendre qu’un nouveau-né sent délicieusement bon… Il pleure peu, puis plonge ses grands yeux gris si profonds dans les miens… Je lui dis bonjour, et à quel point je suis heureuse qu’il soit enfin là, mon petit chaton, Amine Antonin, trésor de ma vie… J’ai déjà tout oublié de la souffrance pour en arriver là…
Jana me dit qu’elle va peut-être devoir me faire une injection d’ocytocine, contrairement à mon souhait, parce qu’elle trouve que je perds beaucoup de sang. Je ne sais pas pourquoi elle a changé d’avis, je pense qu’elle en a parlé au docteur Foltynova, je n’ai jamais eu cette injection…
Elle m’explique qu’on attend que le cordon arrête de battre pour le couper, on devra alors emmener Amine Antonin vérifier qu’il n’a rien dans le nez et la bouche parce que le liquide était sale…
Oussama coupe le cordon et emmène mon petit prince pour un premier check up de santé qui sera très court… On me le ramène bien vite pour le reposer contre moi…
Jana me dit que j’ai une petite déchirure qui doit être suturée… Elle m’explique aussi comment la soigner ; une douche cinq fois par jour, et du savon tout bête, surtout pas de gel douche… Elle m’explique comment ça va se passer. La docteur Foltynova me fait une injection d’anesthésiant, et se met à la couture… Je ne sens rien, je suis obnubilée par ce petit être qui respire si vite contre mon cœur… Avec Oussama on s’extasie sur sa beauté. Il ressemble beaucoup au petit bébé que j’avais vu dans mes rêves, avec ses petits cheveux noirs et ses grands yeux gris… Il est juste encore plus beau !
La docteur Foltynova et la pédiatre repartent, et Jana m’aide à donner la première tétée à Amine Antonin. C’est tout doux, il découvre, il boit tout doucement… Il est si calme…
Finalement, Oussama le prend dans ses bras pour me laisser me lever… Jana m’aide et m’accompagne jusqu’à la douche. Elle me dit de me nettoyer, et d’essayer de faire pipi…
L’eau de la douche ne chauffe pas, je n’arrive pas à faire pipi… Je ne me sens plus d’énergie, ma tête tourne… L’eau commence à chauffer subitement, j’essaye de la régler, je me nettoie et j’appelle Jana. J’entends Oussama me répondre qu’elle est sortie… Trou noir… « Sophie sit ! » Jana tient mon bras fermement et m’enjoint de m’assoir. Je tiens encore le pommeau de la douche dans la main droite, l’eau ne coule plus, je ne sais plus si je l’ai arrêtée ou si Jana l’a fait en arrivant, je me rappelle m’être tournée pour le faire… Oussama est à côté d’elle tout paniqué… Je me demande où il a mis Amine Antonin mais je reprends vite mes esprits, il n’est pas stupide, il l’a sûrement posé dans son berceau… On m’aide à sortir de la douche… Je me rappelle que la magnifique culotte jetable que j’avais prévue pour remonter dans ma chambre a refusé obstinément de monter tant mon bassin s’est écarté… Tant pis. Jana m’aide à me rhabiller et va chercher une chaise pour remonter dans la chambre…
Jana me pousse, Oussama pousse Amine Antonin, et nous voilà partis… Je n’ai pas l’impression d’avoir passé deux heures en salle d’accouchement, et pourtant…
Oussama doit emmener notre trésor pour l’examen… Ils reviennent juste après accompagnés de la pédiatre, et de la femme qui était présente lors de la naissance. Ce n’est qu’à la fin du séjour que je comprendrai que c’est la puéricultrice. Ils viennent dans la chambre pour que je puisse assister à l’examen… La pédiatre parle très bien anglais, et elle me parait très jeune. Elle examine Amine Antonin sous toutes ses coutures, en nous expliquant toujours ce qu’elle fait… Il doit être pesé : 3,740 Kg. On a demandé à ce qu’il ne soit pas mesuré tout de suite pour éviter de l’étirer… ca ne pose pas de problème. On a aussi demandé à ce qu’il ne soit pas baigné moins de 6h après sa naissance, selon les recommandations de l’OMS, mais comme le liquide était sale à la sortie, la pédiatre nous conseille de le faire. Je peux l’accompagner pour une douche, avec Jana puisque je suis toujours dans la chaise. Oussama ne peut pas venir car des femmes sont en train d’allaiter dans la chambre, du coup, pas d’hommes. La douche est rapide, et la puer utilise le gel douche que l’on a amené plutôt que le produit de la maternité…
On retourne à la chambre, la puer veut essayer l’allaitement mais Amine Antonin n’en veut pas… Jana lui explique qu’il a déjà bu en salle de naissance. La puer me dit alors de l’appeler quand il aura faim pour qu’elle puisse m’aider… Elle me donne le numéro du service de puériculture, le 244 depuis mon téléphone, et elle nous laisse…
Jana nous donne encore quelques recommandations. Je lui demande de m’enlever l’aiguille qui a servi à la perfusion de pénicilline mais cette fois elle refuse, s’évanouir sous la douche est un motif suffisant pour garder une aiguille dans le poignet… Elle me dit de demander à l’infirmière d’ici le soir, si la journée s’est bien passée elle me l’enlèvera.
On se retrouve finalement seuls tous les trois…
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Merci Fofita de nous raconter tous ces moments, ces détails, tu as bien raison de tout écrire pour ne rien oublier car ensuite nos mémoires les effacent en partie comme des vagues douces et calmes qui vont et viennent sur le sable... 
J'espère qu'il n'y a pas eu ensuite de mauvaises surprises (bon on connait déjà le happy end 
)
