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Bébé a du rythme. Oui, son rythme.
Il est né… Il est vraiment tout petit. En six mois, il fera largement plus que doubler son poids. Quant à sa taille, toutes proportions gardées, c’est un peu comme si un adulte d’1m 80 devait, en six mois, grandir de plus de 50 cm… Avec de telles données, on comprend aisément ce besoin quasi constant de s’alimenter…
Seulement voilà, nous, la nuit, on trouve ça difficile. Enfin, pas toutes. C’est entre difficile, très difficile, tuant ou carrément l’horreur… Et on plaint les mamans… Et on leur pose, jour après jour, LA question… Ca y est, il fait ses nuits ? Et patatras, en plus de pas dormir la nuit, on doit mentir pour protéger notre bout de chou adoré, pour qu’il ne passe pas pour un attardé auprès des copines, qui elles aussi, mentent pour les mêmes raisons… En fait, les nuits, c’est difficile.
D’une part parce qu’on ne leur demande pas de faire leurs nuits, mais les nôtres, ce qui change évidemment tout suivant que notre rythme physiologique nous conduise à dormir cinq ou onze heures par nuit, d’autre part parce qu’il est indispensable, compte tenu de cette prodigieuse croissance, que nos bébés puissent aussi s’alimenter la nuit, et ce, qu’on ait besoin de cinq ou onze heures de sommeil.
Le malaise, il vient du fait que lorsqu’on nous demande de faire quelque chose la nuit, nous ne sommes pas forcément en état de le faire. Le problème, c’est que ces longs réveils nous perturbent, nous angoissent à l’avance et qu’on entend dire tant de choses à ce sujet que le problème devient réel. J’ai entendu dire, par une spécialiste du sommeil (des mères), que quand un bébé pleurait la nuit, c’était pour appeler sa mère et que si elle venait, il comprendrait rapidement que ça marche et le referait sans cesse… (Heureusement, que ça marche, tant qu’il ne marche pas !)… La théorie exacte du bébé capricieux. Elle disait qu’il fallait quand même se lever pour voir s’il ne s’était pas étouffé, mais surtout ne pas le prendre... Moi, cette théorie me gène, et pas seulement parce qu’elle est scientifiquement inexacte : un bébé qui s’est étouffé ne pleure pas, et mieux vaut généralement ne pas attendre qu’il se soit tout à fait étouffé pour se lever...
Je ne pense pas que les bébés soient capricieux. Je ne pense pas non plus qu’il soit particulièrement sain de leur donner le plus vite possible des farines afin de les lester et de rendre leur réveil totalement impossible. S’il avait fallu lester les bébés, ça aurait été prévu dans le lait maternel… Et je ne suis pourtant pas un héros qui a adoré se lever deux ou trois fois la nuit… Je pense sincèrement que le problème est plus simple que ça. D’abord, les bébés, ils ont vécu neuf mois avant de naître. Neuf mois au chaud, neuf mois au bruit, neuf mois alimentés en continu. Et ils ont besoin de manger pour grandir. Et ils ont besoin de caresses et de contact pour grandir. Pourquoi penser qu’ils font ça pour nous poser des problèmes ? Un besoin de contact, un besoin de caresses ? Supposons qu’on nous dise, alors que nous sommes en train de créer une relation affective avec quelqu’un, que si l’on a besoin ou simplement envie de le voir, c’est un caprice ? Supposons que notre mari nous dise, juste après un câlin, « va te coucher ailleurs, ou tu vas t’habituer »… Ou pire, « je ne t’embrasse pas maintenant, je viens de le faire il y a moins d’une heure »… On le prendrait pour une brute, un pervers… Comme si l’amour qu’on peut donner à son bébé pouvait le rendre capricieux… ! D’autant plus que son besoin est immense, qu’il a vécu au cœur de nous pendant longtemps et que cette séparation peut aussi lui être difficile à lui…
Maintenant, le besoin de manger… J’ignore totalement la raison qui a poussé le bon sens populaire ou médical à affirmer que le bébé avait besoin de sept biberons par jour, un toutes les trois heures (ce qui, d’évidence, occulte complètement le biberon de la nuit, à moins que 7 fois 3 ne fassent 24, ce dont je doute), toujours est il que maintenant, biberon ou sein, on se cantonne à ce « toutes les trois heures… ». Comme si la méthode à utiliser pour donner le sein devait être calquée sur la méthode pour donner le biberon. Comme si l’original devait nécessairement s’inspirer de la copie… Or, manger, pour le bébé, c’est vraiment un besoin physiologique. Comme l’envie de faire pipi. Supposons qu’on nous dise, un jour, que pour une bonne santé vésicale, nous devions faire pipi toutes les trois heures. Ni plus, ni moins. Eté comme hiver. Grossesse ou pas. Boissons ou pas. Ca nous rendrait vraiment la vie impossible, non ? Alors, s’il s’impatiente, s’il n’a pas encore compris que trois heures, c’est trois heures, on lui donne une tétine. Un peu comme si, à nous, alors qu’on a faim, on nous disait : « vous n’avez qu’à jouer une heure ou deux avec une fourchette ». Et on attend qu’ils nous prennent au sérieux ?
La vérité, ou du moins ce qu’il m’apparaît, c’est qu’à force de conseils et de schémas mille fois répétés, nous finissons par avoir peur de nos bébés. Peur qu’ils ne pleurent la nuit, peur qu’ils ne s’arrêtent jamais de pleurer, peur qu’ils soient différents, peur de se voir dire, à la moindre difficulté, que nous avons mal fait. La courbe de croissance à la mode est aux antipodes de la courbe de croissance harmonieuse. Pour bien faire, il faudrait qu’ils soient au maximum de la courbe de taille et au minimum de la courbe de poids… Trois heures, c’est trois heures… D’ailleurs, la tétine me semble être une des preuves les plus manifestes de la peur que nous semblons avoir de nos bébés. Une tétine qu’on emploie bien souvent que comme une sorte de muselière, pour surtout qu’il ne crie pas… Une tétine, en anglais, c’est un pacifier. Et bon sang, sont ils donc si dangereux, ces bébés, que nous ayons besoin de les pacifier ? Ces peurs, elles sont pour une grande part irrationnelles… Tous les bébés dorment un jour ou l’autre. S’ils pleurent, c’est qu’ils ont envie ou besoin qu’on s’occupe d’eux. Alors faisons le, simplement… Il pleure la nuit, a besoin de manger ? Pour quelle obscure raison devrions nous sortir de la couette, nous installer plus ou moins confortablement dans un fauteuil en tentant de ne pas attraper mal au dos et perdre trop de cette douce chaleur du sommeil, attendre qu’il se soit presque rendormi, nous relever, nous recoucher ? Se passe-t-il, dans notre lit, quelque chose de si horrible que nous ne puissions le lui montrer ? Les psy crieront au vice… mais d’une part ce ne sont pas les psy qui se lèvent à notre place et le vice, c’est pas tous les jours à trois heures du matin, non ? Recoucher un enfant avec nous, c’est s’être réveillée si peu de temps qu’on s’en souvient à peine. Il tête, au chaud, se rendort avec nous. Il se rendort plus vite. L’apprentissage qu’il en retire, c’est que la nuit, on dort. Même papa, même maman…
Avec en corollaire, que j’allais oublier tant c’est une évidence, le fait qu’on n’a pas besoin d’être tout seul pour être heureux et qu’on ne lui attribue pas le pouvoir de nous effrayer. Et ça, ça me semble essentiel quand les enfants grandissent, de leur avoir prouvé qu’on n’avait pas peur d’eux…
Tiré de l'édito d'Elizabeth Semaine du 18 au 25 janvier 1999
Elisabeth Dielh (Editorialiste de FemiWeb, animatrice de femiliste)
Source: http://www.femiweb.com/editorial/edito_core18_01.htm