Lundi 10/09, 7 h. Après plusieurs « pré-travaux », démarrent quelques contractions. Je suis à 2 jours du terme, très impatiente (d’autant que je crains le déclenchement…)
Mon homme a le temps de conduire notre aîné à la gare, le petit au ramassage scolaire. C’est impec’, à croire que le bébé l’a fait exprès. Les contractions sont régulières à 10 mn. Je perds un peu de sang, je me dis « chouette ! c’est aujourd’hui ! » J’adore ce sentiment d’exaltation, de « c’est le moment »…
Aujourd’hui 2 copains viennent fabriquer un placard, l’edf doit passer pour le compteur, bref pour la bulle, c’est moyen… Nous décidons alors de partir pour la maternité, vers 10h, même si c’est tôt, heureux d’aller à la rencontre de notre bébé-surprise.
25 mn de route, trois contractions, je ne crains plus de ne pas avoir commencé le « vrai » travail. J’ai accouché 2 fois en moins de 4 h tout compris, je n’ai donc pas intérêt à traîner (c’est ce que je crois…) Je ne réalise pas que là, j’ai déjà des contractions depuis 3 h, que les choses risquent donc de se passer un peu différemment…
A l’hôpital, on applique le plan n°1 : si on n’arrivait pas in extremis à la maternité, on avait prévu de se promener pour ne pas se faire « prendre en mains » trop tôt. Donc, on se ballade dans la pinède, ça sent le thym et les pins, on cueille des fleurs, je prends ces petites contractions (très, très courtes, 20 secondes !) très facilement. Il fait très beau, grand bleu, pas trop chaud, c’est chouette. On visite un lotissement de moches villas bourgeoises avec piscines, alarmes et climatisation, on rigole bien, on se dit que les gynécos doivent tous habiter là…
Mais quand même, vers 11 h, ça n’avance guère… J’ai même l’impression que ça perd en intensité… Il faut dire que, après avoir sillonné les environs, on est de retour dans la voiture, sur le parking de… la maternité… Et je commence à penser que le problème vient de là…
On a un peu faim, on part en ville en voiture (j’espère même que ça va aider mes contractions à décoller !), s’acheter un kebab… En route, je réalise qu’on fait un peu n’importe quoi… Mes contractions ont presque disparu… Je devrais me rendre à l’évidence et rentrer chez moi ! ça me fout le bourdon, je pleure un peu. Je dis à mon homme « peut-être qu’on devrait franchir le seuil de cette maternité et voir comment ça évolue ?» Il me dit que oui, qu’il faut passer le cap… Je lui demande s’il est avec moi ! (comme s’il allait me dire non, alors qu’on ne parle que de ça depuis 9 mois), je re-pleure un petit coup, et on y va…
On monte à la maternité, salle des admissions. On discute avec 1 couple rencontré aux prépas naissance, qui vient aussi pour accoucher. Moi, ça stagne… et voilà que passe ½ h sans contractions… Heureusement que les sf, débordées, ne sont pas encore passées me chercher. Je remarque que, quand je pense fort à mon bébé, quand je me concentre pour faire abstraction de l’extérieur, une contraction fraie son chemin jusqu’à moi… Là, une cadre sf que je connais sort de l’ascenseur, (c’est elle qui nous avait dit que le projet passerait sans pb, que tout était ok). Elle vient vers moi en souriant « ah ! c’est aujourd’hui le grand jour ! »
Et je lui dis tout : mes contractions qui se sont arrêtées, la trouille d’être là… Elle me rassure, me dit « vous, de toutes façons, vous avez prévu de rester dans la chambre, le plus longtemps possible, hein ? (clin d’œil…) voire jusqu’à la fin, non ? ne vous inquiétez pas, ça va aller ». Autres amabilités, et elle s’en va. Je regarde mon homme, « t’as compris la même chose que moi, elle nous dit qu’on peut accoucher dans la chambre ou je rêve ?» Il a compris pareil. Accoucher dans la chambre était une de nos pistes, abordées en prépa naissance (sans écho très enthousiaste d’ailleurs…), voilà que ça a l’air réalisable !
Juste à ce moment-là, la sf des admissions me fait entrer dans la salle d’examen (très exiguë).
Elle me tend un gobelet en guise d’accueil :
« Vous allez faire pipi là-dedans »
Moi, gentiment : « Non. On va peut-être se parler, d’abord ? je vais vous dire pourquoi on est là ».
Re-belote : contractions, arrêt, et surtout on parle projet (elle a l’air un peu bouché, vaut mieux prévenir…)
Elle me dit que pour en savoir plus, il « faudrait » qu’elle m’examine : j’accepte, parce que j’ai autant envie qu’elle (si ce n’est plus) de savoir si ça a bougé ! Je suis à 2 cms, elle me dit d’aller en ville (20 mn A/R), que c’est peut-être pour aujourd’hui, mais pas sûr… Elle veut faire un monito, j’accepte (je n’ai pas mal, autant le faire tout de suite : bien m’en a pris, du coup je n’en ai pas eu d’autre ensuite). Je lui dis d’éteindre le son.
Pendant ce temps, les paroles rassurantes de la sf (la précédente, la sympa !) ont fait leur effet : je le sens bien, moi, que mes contractions, les vraies, ont démarré et se rapprochent ! On sort, mais je sens que je ne supporterai pas la voiture, contractions douloureuses, …On préfère aller dans l’hosto, traverser le bâtiment pour trouver 1 cafét’. Il doit être 13h. Homme a faim. Moi… je commence à être dans autre chose… On traverse un dédale de couloirs glauques, on rigole bien avec mon chéri. Achat de sandwichs dégueus, de cochonneries au chocolat, et retour direct maternité… J’envoie Homme chercher le ballon, les contractions commencent à faire mal. Comme on vient à peine de quitter les admissions, je ne veux pas remonter trop vite, alors je prends quelques contractions sur le ballon, là , dans l’entrée…
Une dame en visite me fait la conversation : « pour mon 3°, c’est là que j’ai mis le plus longtemps, ça a duré 15h ! » Merci, c’est juste ce qu’on a envie d’entendre quand ça commence à faire mal !
On re-monte aux admissions. Un monsieur attend avec nous : sa femme est en train de subir une cœlioscopie. Vachement bien agencée, cette maternité. Moi, je m’en f…, je souffle sur mon ballon, je tourne et roule, je fais une démonstration d’ « anti-pattes en l’air », pour ceux que ça intéresse. ;-)
Une nouvelle sf nous reçoit (et de 3 !), la relève vient d’avoir lieu. Très jeune, elle a un sourire jusqu’aux oreilles, elle se présente, nous dit « je vous attendais, je me doutais que vous repasseriez bientôt »
Elle est charmante. Sur le moment, je ne réalise pas vraiment, parce que je commence à avoir bien bien mal, mais elle est chouette. Elle me dit qu’elle doit s’occuper de mon admission, si je veux aller en chambre. Faites donc. La chambre nous attire toujours autant ! On discute un peu. Elle dit qu’elle doit me faire 1 prise de sang, les anesthésistes en exigent une datant de moins de 3 jours (ce gros c.. d’anesthésiste aurait pu me le dire !). Surprise désagréable. Je l’ignorais, sinon j’aurais mis dans le projet que je n’en voulais pas. Là, je ne lutte pas, je me mets sur le ballon, le dos sur mon mari, elle prend ce qu’il lui faut. Elle parle monito, on refuse, on en a fait un une heure avant. Elle demande à m’examiner, j’accepte, elle fait ça délicatement entre 2 contractions, je suis à 3. (Là, je me dis «mince, ça va durer longtemps à avoir mal comme ça ? ») Il doit être 14h.
Elle part « faire des étiquettes », et moi j’ai de + en + mal ! Pendant les contractions, très vite, le ballon ne suffit plus, je ne sais plus comment m’installer, la table est nulle (trop étroite, trop basse)… Je prends des positions bizarres : je fais le héron, une patte en l’air, la tête en bas… mais c’est très inconfortable. Mon homme, en plus, est obligé de téléphoner aux gardiens des enfants, pour confirmer que c’est en route, mais qu’il ne pourra pas être à la sortie de l’école, bref il cause avec qq’1 d’autre que moi et moi je trouve ça nul parce que j’ai MAL ! ;-) C’est le seul moment que je retiens de négatif. Officiellement, je suis à 3… mais je sais bien que ça a pris de la vitesse, beaucoup de vitesse…
Mon homme me dit de bien respirer, de bien rester avec le bébé, il fait un peu le boulot de la sf, en somme. J’ai mal, donc je fais des bruits d’ours avec ma bouche, je souffle, je grogne, pas encore des cris mais des choses suffisamment sonores pour faire revenir la jeune sf qui nous f…ait la paix. Vous voulez toujours aller en chambre, ou en salle d’accouchement ?
Et je m’entends lui dire « en salle d’accouchement, oui » !
(En fait, j’ai juste envie que le bébé sorte de là ! quel que soit l’endroit, je vais au plus près !) J’y vais à pied, il y a 10 mètres, les gens dans la salle d’attente me regardent bizarre, je crois (les bruits d’ours ?)
J’arrive dans cette salle qui me faisait si peur, il doit être 14 h 30 (je n’enfile pas de tenue de bloc, je garde ma robe, mon mari met juste une blouse et des chaussons en plastique ridicules) et je m’installe, d’emblée, à 4 pattes sur la table, très vaste. Je n’ai même pas conscience d’être dans la transgression, la protestation ou dans l’aboutissement de mon projet de naissance, c’est simple : je ne me pose pas la question. C’est comme ça ! Pas autrement. Les sf de toutes façons ne sont pas là, elles nous fichent la paix. Arrive une petite jeune, dont je découvrirai après qu’elle est blonde et jolie, qui se présente (et de 4 ! c’est la bonne), tralala,
« je m’appelle Aurélie, je suis la sf de la salle d’accouchement » (qu’est-ce que je m’en f… à ce moment-là), et qui me dit : « j’ai lu votre projet, pas de pb, et je sais que vous avez déjà accouché à 4 pattes (j’avais dû le dire à la précédente) ;
j’ai déjà fait des accouchements à 4 pattes, et aussi sur le côté, …"Là, j’ai subitement relevé la tête : je me suis arc-boutée contre le dossier de la table d’accouchement, toujours à 4 pattes, et je lui ai dit très fort, les yeux dans les yeux :
« JE VOUS AIME !! » n’importe quoi !!!
J’ai fait tout le reste du travail à 4 pattes, (comme pour mon 2ème à la maison). Homme massait le bas de mon dos, et comme j’avais très mal, il m’a dit « tu peux crier si tu veux », c’est bête mais je n’y pensais pas. Quand j’ai commencé à crier en expirant, ça m’a soulagée. Massages + cris gutturaux, très graves, très profonds, ça a été ma solution pour gérer à peu près la situation.
Pour l’anecdote, moi qui avais mis dans le projet « pas de rupture de la poche », je me suis retrouvée à crier « Mais rompez-moi cette poche, je vous en supplie ! ça fait mal ! » ;-) J’étais dilatée à 10 et j’avais l’impression que la poche bombait, que c’était ça qui faisait mal ?? La sf me disait qu’au contraire, sans la poche, j’allais peut-être avoir plus mal (?). Elle a fini par la rompre, à ma demande, et Puce a voulu sortir dans la foulée, youp-là, comme une lettre à la poste ! J’ai hurlé « ça pousse !» (Mon mari précise que j’avais la voix de Dark Vador) La sf m’a demandé si je voulais rester comme ça (4 pattes) ou si je pouvais essayer de basculer sur le côté, pour qu’elle aie de meilleurs repères. J’ai basculé sur le côté, et en fait j’ai préféré pousser comme ça. Peut-être à moitié parce que cette sf si chouette méritait un coup de main ? ;-) mais aussi parce que ça me faisait moins mal sur le moment. Une petite tête de 33 cm, et aucune sensation de brûlure comme j’en avais eu pour mes grosses têtes de fistons précédents…
« J’ai » poussé, « ça » a poussé… 2 fois, peut-être, quel soulagement, c’est extraordinaire cette sensation de poussée, de vie, de mort, de délivrance, d’animale humanité...
La sf m’a dit en dégageant la tête : « par contre je vais devoir couper le cordon tout de suite, il est très serré autour de son cou, 2 fois » Elle disait ça par rapport au projet (on voulait laisser le cordon finir de battre), évidemment on a dit « oui, oui ». Elle a coupé le cordon, notre bébé a pu sortir, il était … tout gris… Elle l’a emmené en disant « je lui apporte de l’oxygène » et j’étais tout à fait d’accord. Curieusement je n’ai pas eu très peur : la sf avait toujours son grand sourire rassurant en quittant la pièce et me disait « le bébé va bien ». Elle est revenue vite, j’avais envoyé mon mari auprès du bébé (il ne voulait pas me « laisser toute seule »
). Mon homme m’a demandé : « t’as vu ce que c’est ? » en riant, donc j’ai cru que c’était encore un mec… Moi, jusque là je n’y avais pas pensé, avec tout ce chambardement… « C’est une fille! Je crois » Bon, faudrait être sûr… Confirmation ! Là, j’étais assommée de bonheur… Je me suis rendue compte que j’espérais bien que c’en serait une, au fond… et elle est là, collée à mon sein, 4 mn après sa naissance, elle tête vigoureusement comme pour se remettre de cette arrivée finalement rapide, façon toboggan ! C’est une vraie ventouse, une têteuse de compétition, et ce n’est que le début ! On tombe en amour. Personne n’ayant regardé l’heure avant, la sf propose 15h15, à la louche.
Pour cet accouchement, j’avais envie de ressentir la poussée involontaire, que je n’avais jamais connue, je l’ai ressentie. D’avoir la surprise du sexe de l’ange, idem. Je voulais que ça dure 1 peu + longtemps que les 2 premiers, pour « savourer », ça a duré de 7 h à 15h… ;-)
J’ai eu tout ce que je voulais… Je n’ai eu que 2 TV et 15 mn de monito au tout début du travail. Une chose m’a frappée dans ces salles de naissance : le silence. A part mes cris, rien. Pourtant ils étaient débordés, d’après ce que j’ai su ensuite. Cet hosto vient d’absorber les naissances de la clinique privée, fermée car « non-rentable », il y a eu énormément d’accouchements ce jour-là.
En points négatifs : - la prise de sang. J’aurais préféré que la sf me câline un peu, m’entoure, me dise que si ça fait mal, c’est que le bébé arrive, plutôt que de me prendre du sang de manière totalement et parfaitement inutile.
- Et le séjour ! Mais c’est une autre histoire : maternité en travaux, bruits de perceuse, marteau-piqueur (je vous jure), + 1 visite à 6 h du mat’ pour savoir si « elle a tété ? » (ils ne l’ont fait qu’une fois, vu l’accueil que je leur ai réservé…)
. Sortie anticipée à J+2 , obligation de signer « contre-avis médical », on s’en f…, on se casse. A 5, à la maison. Heureux. Avec Léonie. C’est comme si elle avait toujours été là.