Cet examen invasif destiné à détecter des malformations augmente le
risque de fausse couche et de prématurité. Le Pr Frydman plaide pour en
limiter le recours
Catherine Petitnicolas
[26 mars 2005]
Au nom du principe de précaution, voire d'un excès de précautions, des
femmes enceintes de plus en plus nombreuses subissent des amniocentèses,
cet examen qui consiste à faire une ponction de liquide amniotique sous
échographie afin de recueillir des cellules foetales pour déceler
d'éventuelles anomalies chromosomiques (trisomie 18 ou 21) ou
génétiques. Avec une moyenne de 11 à 12% pour l'ensemble des 750 000
Françaises qui attendent un bébé, soit plus de 80 000 examens par an
(contre 18 000 en 1988), un pourcentage qui passe même à 16% en
Ile-de-France.
«La pratique de ces examens ne cesse de s'accroître depuis quelques
années alors qu'ils exposent à des risques d'avortement spontané (par
microfissuration des membranes) dans un pourcentage allant de 0,5 à 1%
des cas, voire, nous semble-t-il, un risque ultérieur d'accouchement
prématuré à 25 ou 26 semaines», a déclaré le Pr René Frydman, chef du
service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction à
l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart, à l'occasion d'un débat organisé
cette semaine par le Pr Claude Griscelli, président de la fondation
Wyeth-Lederlé (1).
Tant et si bien aujourd'hui qu'à trop vouloir bien faire, on provoque
plus de fausses couches chez des femmes qui portaient un futur bébé
parfaitement normal que l'on ne détecte d'anomalies graves,
susceptibles ou non d'ailleurs (selon les sensibilités religieuses ou
éthiques des parents) de conduire à une interruption médicale de
grossesse (IMG) souvent très mal vécue tant par le couple que par
l'équipe soignante. A ce propos, seuls 44% des couples sur Paris intra
muros choisissent alors une IMG, dont l'immense majorité en cas
d'anomalies extrêmement graves, les autres préférant accepter la
naissance.
Pour le Pr Frydman, «cette multiplication des amniocentèses par excès de
précaution pose un problème de santé publique majeur. Il est absolument
nécessaire d'expliquer aux femmes les enjeux et les risques de cette
technique car on sait très bien qu'il est très facile d'inquiéter une
femme enceinte et de lui proposer toute une batterie d'examens pour la
rassurer». Et aussi parce que les médecins, inquiets de la
judiciarisation grandissante des actes médicaux, cherchent de plus en
plus à se couvrir en multipliant tests et analyses surtout chez des
femmes de plus de 35 ans où les risques de survenue d'anomalies
chromosomiques commencent à très légèrement augmenter.
Or les Françaises ont des enfants de plus en plus tard pour une foule de
raisons - contraception, études longues, incertitudes vis-à-vis de la
vie professionnelle ou de la vie de couple, difficultés à avoir un bébé
après une longue période de contraception, etc. Ainsi, 16% des femmes
enceintes ont plus de 38 ans. Le «retard» de l'âge de la maternité ne
cesse de s'accroître et va de pair avec une légère augmentation du
risque de donner naissance à un enfant porteur de malformations ou
d'une maladie
chromosomique (trisomie 21). Pour cette dernière, l'âge est sans
conteste un facteur de risque selon des algorithmes bien précis : un
enfant trisomique sur 1 351 naissances à 25 ans, 1 sur 909 à 30 ans, 1
sur 381 à 35 ans, mais cette proportion passe à 1 sur 85 à 40 ans, et
même à 1 sur 28 à 45 ans.
En parallèle, la France est le premier pays au monde pour le diagnostic
prénatal et le dépistage des malformations foetales au travers des
échographies, du dosage de certains marqueurs sériques (présents dans le
sang et dont les concentrations anormales peuvent être associées à une
trisomie) et de l'amniocentèse.
«Mais ces marqueurs sériques (NDLR : recherchés entre la quinzième et la
dix-huitième semaine de grossesse) sont loin d'être fiables», estime le
Pr Frydman, pour qui «il y a beaucoup trop de faux positifs qui
incitent alors à pratiquer une amniocentèse pour affiner le diagnostic.
Tandis qu'en Grande-Bretagne, les médecins font appel à des marqueurs
différents, plus fiables, et ce dès la douzième semaine de grossesse»,
poursuit-il. «Un indicateur qui, couplé à l'échographie et à l'âge de
la future mère, a permis de diminuer considérablement le nombre des
amniocentèses.»
Pour ce spécialiste, il devrait être possible en France, en utilisant
des critères similaires, de réduire à 7% le taux des amniocentèses,
passant ainsi de plus de 80 000 par an à moins de 53 000. Pour le plus
grand bien des femmes et de leurs bébés.
(1) Cette fondation oeuvre pour soutenir des projets de recherche ou des
initiatives innovantes destinées à assurer la continuité des soins et
la meilleure qualité de vie possible des enfants atteints de
pathologies sévères.
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