Le 3 Juin, A est toujours en siège. C'est le jour de ma visite avec le gynécologue.
Le verdict tombe, ça sera une césarienne, mon bassin est rond, le gynécologue n'envisage pas de voie basse dans ces conditions. Césarienne programmée pour le Vendredi 13 Juin, à 13h30. Mon chéri est moi ressortons du rdv tristes, un peu fatalistes. Nous aurions au moins aimé choisir la date... et bizarrement j'ai ce sentiment que oui, le 13 Juin sera bien le jour de naissance de mon enfant, un sentiment détaché du fait que ça sera une césarienne programmée... j'en parle à mon chéri, il a également le même sentiment.
Les jours passent. Je continue les exercices pour aider le loulou à se retourner. La date approche, la sérénité finalement trouvée disparaît petit à petit. Cette césa programmée me rend tellement triste.
Ca y est. Nous sommes jeudi 12 Juin. Demain j'ai rendez vous avec mon bébé, vers 14h. Aujourd'hui, je l'ai beaucoup moins senti bouger, cela m'a interpellé, est-ce un signe ?
Je prends ma douche à la bétadine. Je me prépare pour une opération, pas pour mon accouchement. Cette douche, elle est si dure à faire. Mais je la fais, soigneusement, comme le veut le protocole. Je suis triste, et cette tristesse semble grandir plus les heures passent. Cette veille est si bizarre à vivre, je pensais vraiment m 'être faite à cette idée, il faut croire que non.
Couchée, je discute avec mon chéri, je lui fait part de mon sentiment de détachement à l'égard de cette fin de grossesse, mais surtout de cet accouchement. De ne rien ressentir physiquement me laisse penser que je ne vais ressentir pour mon enfant. Anesthésiée physiquement, j'ai peur de l'être aussi affectivement. Quel sentiment douloureux.
Mon compagnon me dit qu'il ressent la même chose, je lui demande de ne rien dire, c'est égoïste mais j'ai besoin qu'on parle de moi et de mon ressenti à cet instant précis. Je pleure. La fatigue nous gagne, la lumière reste allumée, nous arrêtons de discuter, je me recentre sur mon ventre, sur mon bébé, je le caresse.
Pendant que je le caresse, j'entends un bruit dans mon bassin. Clac clac, le même bruit que quand on tend une jambe et que les os claquent. J'ai l'impression que mon bébé à mis un double coup de pied dans mon bassin, un peu fort pour le coup vu le bruit, et la douleur qui suit. Je me mets tout de suite ma main, espérant que je viens de rompre la poche, je ne sens rien. Tant pis. Il est 23h.
Quelques secondes après, je sens ce liquide couler. J'ai compris! Ca y est, je perds les eaux! Un immense sourire se fige sur mon visage "G, je perds les eaux !!". Je me mets debout, je n'arrive pas à y croire, et pourtant oui, vu cette quantité de liquide qui tombe par terre, plus de doute je perds les eaux. Le temps de prendre une serviette, la première contractions arrive, mon sourire est toujours là.
J'ai conscience de la manière dont vont se dérouler les choses, mon bébé a toujours la tête en haut, le travail commence et je vais devoir filer à la maternité pour accoucher par césarienne. Mon chéri appelle la maternité et les préviens que nous arrivons dans une heure, et que ca sera une césarienne. Je suis rassurée, ça sera une césarienne, mais pas vraiment en urgence, ils sont prévenus.
J'ai envie de prendre mon temps, je me souviens du cours de prépa, j'ai un peu de temps devant moi pour une rupture de la poche, mais on ne sait jamais, mon chéri insiste pour qu'on y aille. Les contractions sont là, bien espacées, je ne regarde pas d'ailleurs de combien, je les vis, avec bonheur et amour. J'ai envie de ressentir cet état le plus longtemps possible.
Il est 23h20, nous montons dans la voiture, les affaires étaient prêtes, le moteur démarre, je pars accoucher. Le trajet est long (45minutes) et quelque peu sinueux (en montagne). J'ai l'impression que les contractions se rapprochent, mais à aucun moment du trajet je ne ferais attention de combien, je les vis, c'est tout. Je suis tellement heureuse. Bébé et moi nous sommes connectés ce soir là, à cet instant précis, sous la pleine lune.
Le trajet me semble long, les contractions deviennent de plus en plus fortes, mais surtout de plus en plus rapprochées. Je n'y prête pas attention, seule la douleur qui s'intensifie considérablement occupe mon esprit. J'essaie d'accompagner cette douleur, contre laquelle je ne veux pas lutter : je l'attendais tant.... Mais ça devient vraiment insupportable par moment, je ne me rends pas compte qu'arrivée à Grenoble les contractions sont quasiment sans interruptions. 00h20 nous nous garons devant la maternité, j'arrive tant bien que mal à m'extirper de la voiture mais très vite une contraction très violente me cloue sur place, accroupie sur le trottoir, je ne peux plus bouger, je n'arrive plus à rien, j'ai l'impression que je vais accoucher là dehors devant la maternité. Mon chéri va chercher un fauteuil roulant pour me conduire en salle d'accouchement. Pendant ce temps j'ai un cours instant sans contractions j'en profite pour monter les marches de la clinique mais très rapidement je m'effondre de douleurs dans le fauteuil. Je ne comprends pas pourquoi elles sont si intenses et si rapprochées au point de ne me laisser aucun répit. On m'installe en salle de pré-travail, je serais dans un état second tellement cette douleur est violente et continue. La SF m'ausculte, je suis à 5 et le travail n'a débuté qu'une heure et demie plus tôt, je comprends que tout avance très vite et ça me rend heureuse, rapidement on s'affaire autour de moi pour me préparer au bloc.
J'arrive dans la salle d'opération, il y fait très froid, elle est immense, mon chéri me rejoindra quand la rachi sera posée. Mes contractions sont toujours continues. On me demande de m'asseoir sur la table, j'ai beaucoup de mal à y parvenir car ces contractions ne me laissent aucun répit. J'y arrive enfin. La SF me dit que c'est bientôt fini pour les douleurs, qu'on va me poser la rachi-anesthésie dans peu de temps.
Une vive nausée me prend, j'ai l'impression que mon bassin va se disloquer tellement la pression est forte.
La SF me demande de me mettre en tailleur, je suis tellement dans un état second que je ne sais même plus ce que cela veut dire... J'y arrive, je dois faire le dos rond. On me passe un linge froid dans le dos, puis deux piqûres... La rachi est posée, je m'allonge et je ne sens plus rien, petit à petit.
On tend le champ opératoire, je suis détendue. La rachi a été un véritable soulagement. C'est comme si je reprenais mes esprit tout en étant complètement ailleurs sous l'effet de la rachi. Je suis sereine, je vais bientôt rencontrer mon bébé, j'ai hâte. Je rappelle à l'équipe que je ne veux pas qu'on m'annonce le sexe de mon bébé, que nous voulons découvrir par nous-mêmes, c'est tout ce dont je me souviendrais de mon projet de naissance. Mon chéri arrive et on l'installe à côté de moi, près de ma tête.
Je ne me souviens plus trop, nous discutons 5 minutes à peine, quand on me dit derrière le champ opératoire "Allez y poussez madame", je suis désorientée, je ne comprends pas et je demande "comment ça ? Mais je ne peux pas " et on me répond "si si, poussez madame" et là je comprends, mon bébé va sortir et je dois l'accompagner par une poussée symbolique, une immense joie m'envahie, je ferme les yeux, je suis heureuse et je pousse...
Son cri retentit, mon bébé est né, la joie et l'amour m'envahissent. On me le présente, mes bras sont attachés alors je m'empresse de l'embrasser à pleine bouche, il est si beau. Je pleure de joie. Nous découvrons que c'est un beau petit garçon, né un vendredi 13 Juin, à 01h20, un soir de pleine lune.
Depuis, à aucun moment je n'ai ressenti, ou même vécu cette césarienne comme une opération, mais bel est bien comme un accouchement, aussi beau qu'un accouchement par voie basse. Je n'y croyais pas et c'est pourtant comme ça que je le vis. Je n'ai aucun, absolument aucun regret, et si je devais le revivre, je ne changerai rien. C'était le plus beau jour de ma vie.
D'avoir si bien vécu mon accouchement par césarienne était tellement improbable pour moi, c'est pourquoi j'avais à cœur de partager mon récit, car quand une césarienne est envisagée, c'est important de lire des histoires positives.
Pour A. je lui concocte la même histoire mais version "enfant" avec entre autre un acupuncteur qui se transforme en sage chinois et une cicatrice en sourire de clown ....