Je reviens sur cet angoissant souvenir mais il faut que je le raconte ici.
Je voulais faire un accouchement non assisté, à la maison. J'étais suivi par ma gynéco de ville. Et il était convenu que s'il y avait quoi que ce soit, Chéri et moi irions à l'hôpital, où j'avais tout de même fait un dossier.
Comme j'étais arrivée à terme et que bébé ne voulait pas venir, on a décidé d'aller aux urgences maternité pour faire un check voir si tout allait bien.
Le 5 juillet était la date de mon terme. Jusque là, rien de rien, hormis quelques contractions un mois auparavant, dues à la fatigue.
Comme j'avais fait un tour aux urgences pour cela, j'ai volontairement zappé le rendez-vous mensuel d'avec la gynéco de l'hôpital, qui ne m'avait pas du tout plut au rendez-vous précédent. J'aurai vraiment voulu garder ma gynéco de ville... mais bon leur suivi hospitalier font que c'est impossible.
Au cas où, on prend la valise, tous deux persuadés qu'on en aurai pas besoin évidemment, et hop, après le petit déj', direction l'hôpital.
Cet hôpital n'est plus destiné qu'à la maternité car un autre immense et moderne a ouvert à côté,le mien est donc devenu une annexe en cours de rénovation : je vous laisse imaginer ce que donne un hôpital en cours de rénovation et qui manque de budget pour être rénové.
Glauque.
Arrivé là-bas, je sonne aux urgences maternité et explique mon cas. On vient m'ouvrir en me signifiant qu'on prépare une salle pour moi. Premier regard d'inquiétude échangé avec Chéri..
Effectivement on vient me chercher et on m'amène dans une petite salle de travail, sombre et blindée d'appareils technologiques divers et variés. Second regard d'inquiétude et angoisse débutante, moi qui ne supporte pas ces endroits.
On me met nue puis j'enfile une chemise blanche que je suis incapable d'accrocher par derrière : qui a inventé cette connerie là ?!
On m'allonge sur la table, tout en continuant de me préparer pour la venue de la sage femme : monitoring en place etc...
Il est 12:00
La sage femme arrive :
"- Bonjour,
- Bonjour,
- On est a terme ?
- Aujourd'hui oui.
- C'était prévu ? Les examens ont donnés quoi ?
- Quels examens ?
- Vous avez un examen tous les deux jours la semaine avant terme et on vous déclenche le jour J.
- Pardon ? Je veux rien déclencher moi ! Puis j'étais pas au courant de tout ça ?!
- On vous dit pas tout au premier rendez-vous. Mais on dépasse pas en tout cas, surtout que vous n'avez rien fait je dois tout faire tout de suite et donc je vous hospitalise.
- Pour combien de temps ?
- On vous déclenche tout de suite donc vous en aurez pour quelques jours ! Vous avez vu l'anesthésiste au moins ?
- Non plus. Je ne veux pas de la péridurale.
- Quoi ?! Mais c'est obligatoire de voir au moins l'anesthésiste ! Bon je dois le faire venir en urgence alors !
- Mais..."
Et là, on vous fait comprendre de la fermer tout bonnement, que vous n'êtes qu'un tas de chair qui va extraire un petit tas de chair et pour vous reconnaître, un nom de famille est votre unique matricule. Tu te tais et tu accouches.
Très professionnelle mais un poil désagréable, tout en m'appelant "cocotte". C'est bien ça, j'allais pondre, comme une poule en batterie !
Chéri suivait le tout sans dire un mot, reclus à sa condition de père, c'est à dire à un objet encombrant.
PANIQUE A BORD ! Prise de sang (au moins huit tubes !), tension, touché vaginal douloureux. La sage femme déclare : "Col long et fermé, je vais introduire un tampon imbibé d'hormones ça va déclencher les contractions et ouvrir le col." Là elle me met un genre de tampax, bien profond "pour pas que ça s'échappe".
Le monitoring dure jusqu'à 15h00 et Chéri part chercher à la maison des choses que je n'avais pas prévu, comme de quoi m'occuper pendant le travail et à manger pour nous deux.
Quand il revient, les contractions ont commencées et je suis dans la salle d'attente, sous la clim tellement j'ai chaud. On m'a montré ma chambre, que je partage avec une jeune fille. Elle regarde Gulli, la seule chaîne disponible et est en plein monitoring. Les chambres sont non climatisées alors je sors et vais attendre Chéri sous la clim.
La chambre, c'est provisoire, je dois en avoir une individuelle après l'accouchement. Chéri a préparé des sandwichs qu'on va clandestinement manger dans la voiture. Je voulais déjà repartir à la maison... Le parking est joli, tout neuf, mais pas un espace vert où marcher, rien...
Lorsqu'on remonte, les contractions se sont intensifiées, je dois rejoindre ma chambre pour des soins : tension, touché vaginal, monitoring...
Les douleurs deviennent horribles vers 21h00. Je manque d'air, ma voisine de chambre a une famille considérable, Gulli tourne en boucle avec des programmes débiles. On me donne une nouvelle chemise blanche avec leur saletés de pressions dans le dos, une culotte-filet et une couche pour le cas où la poche des eaux se percerait et on me demande de prendre ma douche. J'y vais, c'est dans le couloir, une sorte de cabine plastique comme dans les hôtels Formule 1, qui ferme avec une porte plastique accordéon donnant sur le couloir.. Que penser ? La douche me fait du bien en tout cas...
Vers 22h00 on prit Chéri de bien vouloir rentrer à la maison, que ça n'arriverait pas maintenant et que comme je ne prends pas la péridurale ça va s'éterniser. On me donne un spasfond en suppositoire et un atarax à prendre pour soulager : atarax, genre d'anti-depresseur fait pour te décontracter à mort. Rien ne fait. Les douleurs vont de pires en pires, je sens tout l'utérus se contracter et cela me tue. Je marche de long en large, ma voisine s'est endormie la télécommande à la main, je m'appuie au mur lors des contractions, c'est extrêmement violent.
J'appelle l'infirmière. "La sage femme va arriver". Vingt minutes plus tard, toujours personne. Je rappel. Je m'excuse de la déranger mais là j'en peux plus. La sage femme arrive et je lui dis que je souffre. Touché vaginal horrible : je me retiens de ne pas hurler et là :
"- Alors vous voulez toujours pas de péridurale ?!
- Faites moi tout ce que vous voulez mais que ça cesse !!!
- Tout de suite ou on attend votre mari ?
- On attend !!"
Bin oui, j'ai cédé ! Mais j'ai voulu continué un peu de "subir" pour encourager bébé et expérimenter cette douleur. C'était important pour moi de le faire.
Ils poussent à la prendre de toute façon alors bon, au bout d'un moment : brisez moi la colonne !!!!
Nous ne sommes plus habitués à la douleur de nos jours... C'est bien malheureux !
J'appelle Chéri en larmes, récupérant le peu d'air que je pouvais à la fenêtre, courbé, incapable de parler plus que dire "viens, sonne aux urgences on t'ouvrira".
On m'emmène en salle de travail, une grande salle super équipée, avec mes valises.
Là plusieurs personnes prépare x et y choses, on me retire mon tampon d'hormones, on me met sous oxygène, on prépare mon bras a recevoir la perfusion.
J'ai l'impression d'être un sujet d'expérience, un sujet mille fois reçus, une expérience qu'ils doivent refaire encore et encore avec des gestes très machinals.
Je n'ai rien à dire sur leur professionnalisme, tout va vite et bien, tout est sous contrôle, tout est parfaitement géré.
Chéri arrive !
On peut me poser la péridurale. Je n'avais pas vu l'anesthésiste mais bon on m'a juste demandé si je n'avais pas d'allergies et d'autres questions basiques. Ca a satisfait le mec qui a tout préparé et hop, aiguille, pif paf pouf, roule ma poule : 15 minutes plus tard je ne sentais plus rien. La perf est mise, et là ils balancent les hormones en quantité astronomique. Le monitoring affiche des contractions à 177 au lieu de 95 juste avant, je sens les contractions mais pas la douleur. Les heures passes, je dilate a bonne allure, on vient me voir toutes les heures, on gratte la poche des eaux, l'horloge tourne, pendant ce temps avec Chéri on somnole, l'épuisement est là, puis à 7h00 je finis à 9, l'expulsion peut commencer.
Seulement bébé est trop loin et pas engagé dans le bassin, on me fait essayer mille positions mais rien à faire, il ne veut pas descendre lui !
On demande une césarienne. Mais là, la chef de service se pointe et il se trouve que c'est ma gynéco de suivi. Je panique. Je l'aime pas, elle me fait peur.
Pour rien car finalement elle est hyper pro et anti-césarienne : elle va tenter le coup avec les spatules. De ma place je voyais ça comme une tambouille horrible, une fouille brutale de mes entrailles, une agression envers mon petit.
Chéri m'encourageait encore et encore, on me demandait de pousser, on retenait mes jambes, six personnes mobilisées pour moi, puis d'un coup, je sens quelque chose sortir, mon ventre s'affaisser et un poids sur lui, un poids suintant et vibrant : mon bébé !
J'ai fondue en larmes, ma vision était floue, je ne voyais qu'une ombre ruisselante d'eau, tremblante, parfaite... Je l'ai effleuré du bout des doigts et comme un rêve, il a disparu...
Paniqué, il avait déféqué dans son liquide amniotique et avaler un peu de cela, il est donc parti en urgences sous les sondes, avec papa qui n'a pas pu couper le cordon car il fallait aller vite pour éviter l'empoisonnement.
Pendant ce temps, la gynéco retirait le placenta, malaxait l'utérus pour vider le sang, recousait ma grande épisiotomie...
La soif que j'avais ressentie durant tout ce travail devenait calvaire. Je demandais à l'infirmière qui restait si je pouvais boire, elle me répond que ce ne sera possible que dans deux heures, je la supplie puis m'énerve, je me sens mal, je vais faire un malaise. Elle mouille une compresse, me la donne et un récipient pour vomir. Je ne rend que du vide, du vent, mon ventre ne sait plus où remettre mon estomac, puis ça va mieux et enfin, je me tourne vers Chéri qui était sur la chaise, notre bébé entre les mains. mon fils tant espéré et attendu était là...
Comme j'étais fière ! 4,250kg !!
Pas de chambre pour le moment, on me laisse dormir en salle de travail en attendant. Chéri rentre se reposer et bébé dort dans son berceau de plastique.
J'entends du bruit, une dame fouillait un tiroir et s'excuse de me réveiller. Peu après on me place sur un brancard direction ma chambre, super !
Avec bébé on fait une courses sur roulettes dans les couloirs.
Maintenant je me sens comme une drôle de patiente gênante qu'on expulse ailleurs.
Ma chambre : murs jaunis, fenêtre qui s'ouvre de 5cm, mini ventillateur, chaleur étouffante, télé débranché, un fauteuil, un tabouret, un lit, une armoire.
Ma prison pour trois jours.
Je reçois peu de visites, Chéri fait une gestion remarquable du temps, entre la maison, l'administration et l'hôpital.
Moi l'allaitement se passait mal, obligé d'utiliser des bouts de seins en silicone, l'hôpital force à donner des complément à la tasse, te réveil toutes les 4 heures pour que bébé mange, soins, tensions, visites du personnel, obligations diverses, petit dej à 8h00, repas à 12h00, dîner à 18h30, pas de balades possibles hormis les couloirs et pas après les visites. L'isolement me rendait folle, presque à lier, je pleurais d'une douleur plus aiguë encore que les contractions, le mal être, l'isolement, l'éloignement, le manque de liberté.
J'ai vraiment cru que j'allais passer folle..
De 21h00 à 8h00, seule, seule, seule. La nuit devenait mon ennemie.
Alors j'ai fait semblant que tout allait pour le mieux malgré mon anémie, et j'ai réussi à obtenir une sortie anticipée, en échange de quoi une sage femme venait à la maison pour voir mon épisio, l'allaitement et bébé.
Quand Chéri est venu me chercher ce vendredi là... ah !
Mais arrivé le soir, alors que tout allait bien, j'ai craqué, je ne voulais plus allaiter, je doutais de moi, de mon avenir, rien n'avait de sens. Et ça a duré deux trois jours ainsi. Le
blues version Lucy !
Je vous passe les détails des maux post-accouchement, du souvenir des matons d'infirmières de nuit, la bouffe horrible, etc !!! Vous connaissez ça !!
Voilà... souvenir angoissant, accouchement que j'ai vécu comme un viol, une prise d'otage, une agression pure et simple.
Je vais beaucoup mieux, mon amour pour Chéri s'est multiplié devant la force qu'il a déployée, avant, pendant et après l'accouchement, j'ai un fils magnifique et une nouvelle vie grâce à mes deux hommes...
Mais à lire vos témoignages, sommes-nous trop sensible ?... ou bien ne sommes-nous que les témoins d'un humanisme disparu ?
Merci de m'avoir lu !