Famille. Rassemblement, hier à Paris et en province, de poitrines militantes.
Une Grande Tétée pour les entêtées de l'allaitement
Par Marie-Dominique ARRIGHI
QUOTIDIEN : Lundi 23 octobre 2006 - 06:00
Il y en a une petite centaine. Des bruns, des bleutés, des
laiteux, avec au bout des gamins. Hélas, c'est un demi-succès :
deux à trois fois plus de seins et de mères allaitantes étaient
espérés hier sur les gradins du forum des Halles à Paris (1).
Baptisé la Grande Tétée, le rassemblement donnait à voir des femmes
munies de bébés, mais aussi d'enfants de 3 ans, voire de 4. Telle
Solena, qui marche, parle, va à l'école et qui présentement suce sa
mère.
«Elle a toujours voulu continuer à téter, c'est son
souhait, plaide Muriel, 39 ans, mère très obéissante en congé
parental.
Donc je n'ai pas remplacé le lait de sa maman par du lait de
vache.» A côté, Isabelle, 3 ans et demi, la bouche collée au
sein droit d'Elodie.
«J'ai repris la tradition de ma grand-mère qui a allaité ses
huit enfants, explique la mère de 31 ans, ingénieur en
informatique.
C'est simple, adapté quand on voyage. Comme j'ai toujours du
lait, ça constitue son laitage du matin.» La petite mange aussi
«en vrai».
«Au congélo!» A l'occasion de la trop méconnue
Semaine mondiale de l'allaitement maternel, cette Grande Tétée est
«organisée par des mamans», déclare, laconique, sa
porte-parole Marie-Florence Astoin. Certes. Mais avec le soutien
actif de la Coordination pour l'allaitement maternel, de la
pédiatre Edwige Antier, et de la peu progressiste Leche League,
organisation créée en aux Etats-Unis en 1956. Cette «ligue du lait»
préconise notamment d'allaiter au moins jusqu'à 2 ans.
Marie-Florence Astoin est cependant circonspecte :
«On n'a pas envie d'apparaître chapeautées par la Leche League,
qui est généralement perçue comme une secte.» Elle-même ne cache
pas en être membre.
Au premier rang des gradins, Priscille regrette d'avoir dû
abandonner l'allaitement exclusif de son fils quand elle a repris
son travail de
«credit manager». Elle prône l'exemple de la Suède où le
congé maternité est de douze mois,
«voire de dix-huit mois».
«Moi, je tire mon lait entre midi et deux, et je le donne à la
nounou, explique sa voisine Catherine, 32 ans, avocate, mère
d'un garçon de 6 mois.
Ça se conserve trois à cinq jours.» Priscille lui lance :
«Mais ça peut se mettre au congélo !» Ça papote frigo et
tire-lait à gogo, ça fusionne à tire-larigot.
«Il s'agit de rendre visible l'allaitement, car certaines femmes
n'osent pas le faire en public, explique Claude
Didierjean-Jouveau, porte-parole de la Leche League, discrètement
présente.
Il faut rallonger les temps d'allaitement et en montrer les
avantages pour la santé.»
Aujourd'hui, au sortir de la maternité,
«seulement» 60 % des Françaises allaitent. Ce chiffre tombe à
42 % au bout de huit semaines.
«Ce sont surtout les citadines et les diplômées qui
allaitent», affirme Claude Didierjean-Jouveau. Les autres
seraient
«sous-informées». Le principal obstacle viendrait, toujours
selon madame Leche League, de
«la crainte de culpabiliser» les femmes qui s'y refusent. Ce
à quoi s'ajouterait
«le manque de formation des professionnels de santé car beaucoup
d'allaitements capotent à la maternité».
Toutes les «mamans» ici présentes déconseillent le biberon la
nuit, souvent préconisé par le personnel médical.
«C'est du sabotage de l'allaitement», s'insurge
Marie-Florence Astoin. Car le bébé risque de préférer la tétine
«qui coule plus vite» au sein maternel. Catastrophe. Autre
responsable de la désaffection :
«Le féminisme égalitariste, Simone de Beauvoir et tout
ça», détaille Marie-Florence Astoin. Pour sa part, la
porte-parole de la Leche League montre du doigt certains psys. Et
de citer les propos du psychanalyste Jean-Pierre Winter :
«Ces femmes mettent leur enfant à leur service sexuel.» Ce
qui ne l'empêche pas d'admettre :
«Bien sûr, il y a un plaisir réciproque. Des femmes peuvent même
avoir une sorte d'orgasme.»
«Histoire à deux». Derrière, Benjamin, 2 ans et 9
mois, est lové dans le giron de Sophie.
«Il aime les bras de maman. Téter, c'est comme un bisou», se
réjouit celle-ci, éducatrice en congé parental, et mère de trois
autres enfants, dont deux ont été allaités
«longtemps». «Ceux-là n'ont été malades qu'une fois par
an.»
L'argument santé, indéniable en raison des anticorps présents
dans le lait maternel, est désormais repris haut et fort par les
autorités sanitaires. L'objectif officiel est d'atteindre 70 % de
femmes nourricières en 2010. Il faut
«promouvoir systématiquement l'allaitement maternel lors de la
visite du 4e mois de grossesse», martèle le dernier Programme
national nutrition santé (PNNS).
Et le père dans tout ça ? Comment le dit le site de la Leche
League, l'allaitement est
«une histoire à deux». Une manière d'évincer allègrement
l'homme. Un peu à l'écart justement, Ollivier, compagnon d'Elodie,
n'y voit que des avantages.
«Il n'y a rien à préparer, en plus c'est moins cher, et la nuit
tout le monde se rendort vite.»
(1) Des rassemblements plus petits ont eu lieu dans une
quinzaine d'autres villes.
et pour écrire à cette **** :
hélas il faut aller sur la page web
je vais chercher une adresse mail
Antinéa