voilà, je vous copie ici une partie du récit de la naissance de Jeanne (je ne vous mets pas le début, j'ai commencé par le 9eme mois et vous, vous l'avez eu en direct live !)
bonne lecture, c'est un pavé (vous avez de la chance que je ne mette pas tout, j'en ai écrit 6 pages, et je me rends compte quand je relis que j'en ai oublié
)
Cet accouchement se prépare à l'image inverse de ce que je souhaitais pour moi, pour toi : médicalisé, perfusion, monitoring en continu puisque déclenchement au Syntocinon, pas de bain, pas de marche possible...
C'est difficile pour moi de l'accepter et j'y travaille, mais j'ai toujours l'espoir que tu arriveras avant.
Jeudi soir, nous allons au resto en amoureux, marche le long de la plage, les contractions sont là, douloureuses ... Ce soir ? Mais non ...
Vendredi matin, les SF m'ont demandé d'appeler avant de venir car il y a plusieurs déclenchements prévus, voir s'il y a de la place : hé non! J' irais en contrôle dans la journée mais encore un répit !!! Youpi !!!! Surveillance tous les jours ce week-end, et c'est sûr, lundi dernière limite, jour du terme, nous te verrons !
Nous passerons un dernier we en amoureux, encore un petit resto, un cocon de tranquillité, à se chouchouter. Je me concentre sur toi, te parle, te guide vers la sortie ... il y a des contractions dans ces moments-là mais elles s'arrêtent dès que j'ouvre les yeux. La tension monte, j'ai 15/10, 14/10 avec le traitement, les protéines augmentent aussi... le déclenchement devient évident, même pour moi.
Lundi, réveil 5h pour éviter les embouteillages et être à l'heure à la maternité. Petit-déjeuner très léger : je n'ai pas faim, mon estomac est noué comme pour un examen. Et quel examen !!! C'est presque celui de ma vie ...
Nous arrivons tôt, une journée magnifique commence, le soleil brille, il va faire chaud. On va se balader le long de la mer avant d'arriver, j'ai déjà des contractions, peu douloureuses, mais elles sont là.
A. la Sf nous accueille en salle de naissance : je la connais, elle était là quand j'ai été hospitalisée en début de grossesse, elle est sympa. Elle aura beaucoup de travail aujourd'hui, il y a 3 déclenchements prévus, elle est seule.
Ca ne me dérange pas, je serais tranquille : je lui fais part de mon désir d'accoucher le plus naturellement possible, sans péridurale, etc ... Elle me redit la dureté de l'accouchement avec syntocinon et rupture artificielle, peut-être la nécessité de la péri pour ma tension, mais on ira doucement pour pouvoir respecter mes souhaits. On commence la perfusion, je ressens très rapidement les contractions, et 40 min après, elles sont déjà bien régulières toutes les 3-4 min, durent facilement 2min. Mon col est très court, ouvert à 2 doigts justes, souple : c'est très favorable.
Elle monte le synto régulièrement, les contractions deviennent un peu plus douloureuses, mais juste la concentration m'aide à les supporter. Ma respiration n'est pas encore trop modifiée, je la ralentis juste un peu. Je suis en tailleur ou à genoux dans le lit, je suis bien... on écoute de la musique, on discute, je te parle intérieurement... maintenant que c'est commencé, je suis sereine, c'est comme ça, c'est maintenant ... Je change de position comme je veux, je me lève autour du lit, me repose un moment ... On découvre quand même une très mauvaise surprise : je n'avais pas vu lors de la visite, les 2 salles d'accouchement sont séparées par la pièce de réa néonat certes, mais il n'y a pas de portes, juste des rideaux !!!! On entend ce qu'il se passe à côté !!!! Ca me déconcentre et je ne sais pas si j'oserais me laisser aller sachant qu'il y a quelqu'un à côté. Heureusement, elle accouchera dans la matinée.
Vers 10h30, envie d'aller faire pipi : A. débranche le monitoring, la perfusion, me montre les toilettes. Et surprise, comme bébé va super bien, elle m'envoie m'aérer un moment au passage : « vous revenez d'ici 20-30 min! » c'est peu, mais c'est génial !!!!
On va marcher dans l'eau le long de la plage, le soleil cogne et je m'arrête même demander de la crème solaire à un couple de papi mamie qui bronze !!! « oh joli ventre ! C'est pour quand ? Heu, c'est en cours!!!! »
Retour à la maternité, on rebranche tout. Les contractions se sont espacées sans la perfusion, le travail n'est donc pas encore lancé, c'est le syntocinon qui fait que...
Elles commencent néanmoins à être plus sérieuses, je me mets à 4 pattes, fait des 8 avec mon bassin (merci le yoga) je ne discute plus pendant, mon chéri me masse le bas du dos, les jambes... mais c'est très supportable. C'est le moment d'ouvrir la boîte à Papa que je lui ai préparée.
Vers 11h45, on fait le point : mon col est maintenant mince toujours 2 doigts, souple, on est quasi au maximum de syntocinon autorisé, il faut rompre la poche pour que ça avance. Je sais que ça va se corser. J'envoie mon chéri manger maintenant, qu'il soit là quand les choses vont devenir dures.
Effectivement, après le ploc de la rupture, l'étrange sensation du liquide tout chaud qui coule, je ne peux plus oublier pourquoi je suis ici !!!!
Je ne suis bien que debout, je me dandine autour du monito, je repense à mes respirations de yoga.
Nouvelle pose pipi. Je suis super bien assise sur les toilettes à m'étirer sur le mur d'en face à chaque contraction, je dois y rester un moment puisque A. me demande de temps en temps à travers la porte si tout va bien, j'en profite pour me vider un peu:-(
Le temps de sortir, mon homme est déjà revenu. Je ne supporte plus trop qu'on me touche, ni qu'on me parle mais j'avais prévenu mon chéri : il est là dans un coin, je ne sais pas trop où, mais je le sens et ça me suffit. J'ai remonté le lit et je me suis appuyer dessus, debout, le ventre dans le vide. Chaque contraction me broie maintenant le bas ventre, je ne le sens plus. J'ai du mal à respirer, j'ai l'impression d'étouffer à chaque fois, mais je ne pense plus à la suite, juste à l'instant présent où je me laisse porter sur la vague. Elles sont de plus en plus hautes et j'ai de plus en plus de mal à gérer, surtout si on me parle. A. qui n'arrive pas à m'examiner dans la position où je suis et me demande de m'allonger un instant, l'AS qui me propose le ballon ... je veux juste qu'on me fiche la paix, j'en ai marre, j'en peux plus et en plus elle m'annonce qu'on est toujours à 4cm depuis 2h. Elle m'a déjà demandé si je voulais la péri tout à l'heure mais non, j'ai vu en retournant aux toilettes que l'anesthésiste était dans le bureau et là elle ne me laisse plus le choix : ça stagne et ma tension monte avec la douleur.
15h Pose de la péri, je sursaute à un moment car sensation très bizarre à droite. Je ne sais si c'est lié, mais elle sera latéralisée, j'ai mal à droite.
Je peux me refaire des doses quand j'en ressens le besoin et comme j'ai toujours mal d'un côté, il y en aura plusieurs, tournée sur la droite pour essayer de faire diffuser le produit. Ca fonctionne par très petites périodes : je suis quand même soulagée, ça n'est plus aussi fort, mais je m'entends souffler pendant les contractions. Je suis dans un état second, somnolente, me réveillant pour souffler pendant les contractions, je te parle, continue à t'encourager, je ne me souviens plus de tout... Je me souviens avoir eu les larmes aux yeux juste après la péri, pendant que mon homme me réconfortait, avec le sentiment d'avoir échoué.
J'ai commencé à sentir ta tête appuyée sur mon sacrum vers 17h et l'ai dit à A. : dilatation complète, elle m'a fait sentir ta petite tête 3cm en arrière derrière mon pubis. Première rencontre physique avec toi ... Ca m'émeut beaucoup, je vais très bientôt te rencontrer hors de mon ventre.
Le travail a donc été plutôt rapide : la péri a fait lâché mon col certes, mais peut-être aussi ma tête, même si c'est plus difficile à accepter.
Très peu de temps après, nous voyons arriver la gynéco et A., on s'installe pour l'accouchement : je sens ta tête pousser, mais je ne pensais pas que tu étais si près, c'est une petite sensation, pas un irrépressible besoin.
Je suis assise, mes bras tirant le dossier du lit, je sens toujours bien ma droite alors que ma gauche est plombée. Commence alors 45min de poussées selon mon homme. Tout d'abord en expir, puis petit à petit, sans que je m'en rende vraiment compte, le dossier est redescendu, mes jambes se retrouvent dans les étriers, je me retrouve en position gynéco à pousser en bloquant : exactement ce que je voulais éviter. Nous étions d'accord, la sage-femme m'accompagnait pour la naissance, la gynéco restait derrière si besoin : je ne sens pas grand chose sur mon périnée, je sentais ta tête allongée ou assise, mais là je ne sens plus rien, si ce n'est une douleur intense dans le bassin dans cette position. A. met ses doigts pour me guider, ça me fait mal, j'ai l'impression de lui crier de les enlever, mais ils sont toujours là, elle continue. En cours de route, le bébé de ma voisine d'accouchement a eu besoin d'A. et la gynéco a pris le relais. Je la vois prendre les ciseaux, je l'apostrophe « V. tu me fais pas ton épisio de la mort !!», « OK je sais que tu n'en veux pas ».
J'ai l'impression de pousser depuis des heures(confirmé par mon mari) et je m'épuise. Toi aussi, tu as été vaillante tout du long, mais tu commence à fatiguer.
Et je sens le coup de ciseau dans mon périnée endormi pendant que je pousse : à partir de là, je crois que je me suis arrêtée de pousser ... J'ai le souvenir de sentir les mains de V. sortir ta tête, mais je ne te sens pas sortir, je tends les mains pour te guider sur mon ventre.
Tu es fatiguée, ton arrivée a été longue et tu tardes un peu à prendre ta première inspiration. Ton papa coupe ton cordon, je vois A. revenue, qui voudrait t'emmener pour t'aider ... Hors de question !!! On m'a fait subir des choses que je ne voulais pas, mais on ne te touchera pas !!!! C'est moi qui te masse le dos, les pieds, t'encourage et voilà ma petite pomme, tu ouvres les yeux et respire. Te voilà petite Jeanne !
Tu ne tardes pas à trouver ton pouce, puis mon sein : tu y resteras scotchée plus d'une heure. Pas d'embêtement possible : tu n'auras pas d'aspiration, pas de collyre, pas de vitamine avant d'avoir téter.
L'accouchement se poursuit, délivrance naturelle faite, il y a de vieux caillots derrière ton placenta : il a commencé à se décoller il y a quelques temps déjà apparemment. Il était temps que tu sortes !
Je commence à saigner plus que de raison, V. veut que mon utérus se contracte plus, heureusement tu tètes comme une chef pour aider mon utérus fatigué. A. est repartie, occupée par la voisine dont le bébé ne va pas bien du tout, c'est moi qui augmente le débit de ma perfusion pour diminuer les saignements puisque la tétée et les respirations que j'ai commencé ne suffisent pas.
Suture de l'épisio : je sens à peine. J'ai senti toutes les contractions dans mon ventre, mais la péri fonctionne bien sur mon périnée.
Puis enfin le calme. Il y a un petit moment déjà que je ne suis concentrée que sur ton père et toi, nous profitons de ce moment tranquillement, juste entrecoupé par la surveillance de mon utérus. On te découvre, ton regard perçant, tu es belle....
Ton papa s'excuse presque de ne pas avoir pu empêcher l'épisio, « je n'y connais pas grand chose, j'entendais le coeur du bébé qui ralentissait, je ne savait pas s'il fallait que je gueule ou non ».
Ce n'est pas ce qui me dérange le plus. Ce qui m'importe le concernant, c'est qu'il ait été là tout le long sachant comme il déteste les hôpitaux, c'est un effort énorme pour lui : il ne savait pas s'il voulait regarder ou non, couper ton cordon ... Il était là, m'a soutenue, encouragée et je n'aurais jamais pu tenir autant sans lui.
Tu iras avec lui te faire peser, mesurer, ausculter, habiller. Pas de vaccins pour toi.
Pendant ce temps je m'endors, je suis épuisée, je n'en peux plus.
Retour dans la chambre vers 21h : j'ai la tête qui tourne, je veux dormir.
Nous passerons notre première nuit (et les suivantes aussi) blotties l'une contre l'autre, tu tètes comme une championne et nous sortirons donc de la maternité à J2,5 malgré les réticences de la pédiatre. Il faudra surveiller ta jaunisse (très très modérée) en te faisant une prise de sang à la maison, c'est la condition pour sortir.
Nous voilà de retour chez nous, l'allaitement se passe bien, ta courbe de poids est magnifique, Papa est très présent et heureusement qu'il a pu prendre 3 semaines de congé, il n'y a que mon périnée et mon esprit qui souffrent.
Je t'écris l'histoire de ta naissance un mois après comme je l'ai ressentie avec sûrement des oublis et des erreurs, mais ce récit me permet de continuer à faire le deuil de l'accouchement que j'aurais voulu et apprivoiser ce qu'il a été.
Je vais retourner voir A. pour reparler des moments délicats : je suis maintenant sereine avec la nécessité d'avoir eu un déclenchement, de même qu'une péridurale (ratée) mais j'ai toujours en travers de la gorge le fait d'avoir pousser 45 min sur mon périnée déjà fragile à la base (en fait la gynéco V. est arrivée à la fin de sa journée de consultation sans qu'on l'ai appelée et comme je commençais à sentir la poussée et que mes essais étaient efficaces, elles ont voulu commencer sans attendre que bébé descende au maximum), une remarque qu'elle a faite à l'AS et qui ne m'était pas destinée « elle gère plus rien du tout ! Appelles l'anesth! » (ben si tu m'avais aidé ne serait-ce qu'une minute, j'aurais peut-être pu gérer ...)
Je n'ai pas du tout envie de revoir V. pour l'instant et pourtant, il faudra bien, je travaille avec elle. Je ne sais pas quoi lui dire ... Oui, médicalement, ça s'est bien passé, mais tu vois, c'était pas ça que je voulais et tu n'en as pas tenu compte (genre l'épisio toute petite de rien du tout, tellement petite que t'aurais pu t'en passer ...)
Difficile d'entendre les collègues pendant le séjour me demander « pas trop déçue ? » Je l'entends comme la reconnaissance que j'ai de quoi être déçue, et ça fait encore plus mal...
J'espère que ce n'était pas trop indigeste ...
merci de m'avoir lu et même si ça n'est pas le cas, c'est thérapeutique de l'écrire